Alexandre Marcoux arrive en CPL comme un joueur déjà façonné par l’adversité, l’exigence scolaire et une culture gagnante très québécoise. À 21 ans, le 2e choix du repêchage de la Première Ligue canadienne par le FC Supra porte à la fois les espoirs d’un club d’expansion et ceux d’une génération qui a grandi avec l’idée qu’une carrière pro d’ici est enfin possibles.
Des pelouses de Victoriaville au clin d’œil du Sporting
Né à Victoriaville, Marcoux fait ses gammes locales jusqu’en U15, avant de grimper les échelons provinciaux avec Brossard, Monteuil puis Blainville en Ligue1 Québec, une trajectoire typique des talents qui émergent dans la structure québécoise actuelle. Le tournant intime, lui, se joue plus tôt : vers 10–12 ans, lors d’un tournoi au Portugal, il réalise un Mondialito de haut vol et se voit approché par le Sporting CP pour un essai, un épisode qui fixe l’idée qu’il peut réellement « faire quelque chose » dans ce sport. Ce contact précoce avec un grand club européen devient la matrice de son ambition et l’ancre dans une démarche de progression continue.
Pension à Laval, détour NCAA, retour assumé
À 14 ans, il quitte le cocon familial pour une pension liée au SNHP à Laval, partageant une maison avec d’autres jeunes en quête de carrière, ce qu’il décrit comme un choc qui l’a obligé à grandir plus vite comme personne et comme joueur. Après le cégep, il tente l’aventure NCAA à Simon Fraser, seule université canadienne qui évolue dans ce circuit, y passant six mois qui lui servent surtout à perfectionner son anglais avant de revenir au Québec, où il sent que le chemin vers le pro sera plus cohérent avec son profil et ses objectifs.
UQTR : MVP tout de suite, et un projet double
À l’UQTR, Marcoux explose immédiatement : pour sa première saison avec les Patriotes, il devient meilleur pointeur du RSEQ et est élu athlète par excellence du circuit, avec une production qui tourne autour de 6–7 buts et 4–5 passes en une dizaine de matchs selon les bilans officiels et locaux. Il est choisi dans les équipes d’étoiles québécoise et canadienne, et contribue à une saison régulière invaincue qui se conclut par une quatrième place au Championnat canadien, consolidant le statut de l’UQTR parmi l’élite universitaire du pays.
Parallèlement, il poursuit un parcours académique exigeant en kinésiologie, avec l’ambition déclarée d’entrer en physiothérapie, un programme parmi les plus contingentés, ce qui explique son obsession pour l’équilibre entre terrain et études. Le partenariat CPL–U Sports, et en particulier les contrats de développement qui permettent de jouer pro l’été et de retourner à l’université à l’automne tout en conservant son admissibilité, tombe ainsi exactement dans le créneau qu’il recherchait.
Le soir du repêchage : euphorie, néant et appel à maman
Le soir du repêchage, Marcoux ne sait pas s’il sera choisi : une rencontre préalable avec le FC Supra a confirmé l’intérêt, mais rien n’était garanti. Il regarde l’événement sur tablette avec ses coéquipiers de l’UQTR quand son nom sort au 2e rang, déclenchant une scène qu’il décrit comme euphorique, faite de cris, d’appels entrants et de demandes d’entrevues, à mi-chemin entre validation et vertige. La première personne qu’il appelle dès qu’un moment se libère est sa mère, restée à Victoriaville, qui, selon lui, aurait déjà revu la séquence de son repêchage une quinzaine de fois au moment où ils se parlent.
Ce mélange de fierté et de pression résume bien son état d’esprit : il voit cette sélection comme la « paye » d’années de travail, mais surtout comme la première marche d’un nouvel escalier, celui où il doit gagner sa place en CPL, puis espérer grimper vers une ligue encore supérieure à moyen terme. Conscient d’arriver comme un outsider sur un contrat U Sports — ces ententes de développement souvent dévolues à des joueurs qui complètent un effectif — il insiste sur le fait qu’il se sent à la fois « choisi » par un staff qui le connaît bien, et « attendu » dans sa capacité à s’imposer dans un environnement pro.
Profil de jeu : un « 9 » à la Harry Kane, entre cible et relais
Quand il se résume en trois mots, Marcoux parle d’abord d’instinct, de jeu dos au but et d’agressivité des deux côtés du ballon. Son action signature est très lisible tactiquement : reculer dans sa moitié pour offrir une solution dos au jeu sous pression, contrôler une longue balle, puis renverser d’une touche vers le côté opposé pour transformer une sortie de camp en attaque placée en quelques secondes, une mécanique qui a beaucoup servi autant à Saint-Laurent qu’aux Patriotes.xyoutube
Il revendique ouvertement des influences comme Harry Kane et Robert Lewandowski, deux buteurs plus complets qu’explosifs qu’il observe pour améliorer finition des deux pieds, jeu de tête, qualité de remise et dernière passe. Là où il estime être sous-estimé, c’est dans tout ce qui ne finit pas sur une feuille de stats : travail sans ballon, courses qui ouvrent des espaces pour les autres, pressing orienté et capacité à fixer pour permettre au bloc de remonter, des dimensions qui expliquent en partie l’enthousiasme de ses coachs actuels et passés.
ADN Saint-Laurent, culture gagnante à l’UQTR
Son été avec le CS Saint-Laurent, club phare de Ligue1 Québec qui a dominé la saison tout en changeant souvent de onze de départ, l’a plongé dans une mentalité très tranchée : à ses yeux, un nul y est vécu comme une défaite, les entraînements sont structurés autour d’une compétition constante du type « king of the court » et l’intensité demandée rend presque naturelle la translation en match. Ce contexte est directement relié au FC Supra, dont le staff dirigeant provient en grande partie de Saint-Laurent, ce qui devrait limiter le choc culturel en arrivant au camp de présaison prévu vers la troisième semaine de janvier.
À l’UQTR, il retrouve la même obsession du résultat, mais filtrée par un collectif qu’il décrit comme une famille, capable de masquer un déficit de « stars » individuelles face à des programmes comme l’UdeM par une cohésion supérieure et une identité de jeu claire. Cette double appartenance — club semi-pro ultra compétitif l’été, programme universitaire d’élite l’automne — en fait un produit typique de ce que la filière québécoise peut désormais générer quand tous ses maillons sont alignés.
Objectifs avec Supra et regard sur le foot québécois
Pour sa saison inaugurale avec le Supra, Marcoux fixe des objectifs mesurables mais progressifs : d’abord gagner des minutes, ensuite produire buts et passes, enfin aller chercher des titularisations, ce qu’il considérerait déjà comme un immense succès pour une première année dans la ligue. En toile de fond, il reste lucide sur le fossé physique et mental entre universitaire, semi-pro et pro, raison pour laquelle il a à peine pris quelques jours de repos après la saison de RSEQ avant de replonger dans le cardio et la musculation pour maintenir, puis hausser son niveau de forme.
Son discours sur le foot québécois est optimiste sans être naïf : il insiste sur l’explosion du nombre d’opportunités, de la CPL aux structures universitaires, mais aussi sur le rôle croissant des médias et créateurs locaux qui couvrent la Ligue1 Québec et les parcours individuels, contribuant à remplir les tribunes et à rendre ces trajectoires visibles pour les jeunes. Lorsqu’il cite un jeune joueur « qui va exploser », il nomme spontanément Ryan Aboued de Saint-Laurent, preuve que, dans son imaginaire, l’avenir du foot québécois se joue autant au coin d’un terrain de Ligue1QC qu’au bout d’un repêchage national.
Si son rêve ultime reste un jour de fouler la pelouse du stade du Sporting CP, là où son ambition a vraiment pris forme, sa prochaine scène sera bien plus près de chez lui : un camp de présaison à Laval, avec une nouvelle franchise déterminée à prouver que la province peut produire, et retenir, ses propres numéros.



