Une confirmation dans la continuité
Dans la petite salle d’entrevue du Stade Saputo, le ton est posé. Luca Saputo parle calmement, sans effet de manche. « Il n’y avait vraiment pas de rush sur la situation », dit-il d’entrée de jeu. « On voulait voir comment Marco s’adaptait au rôle. »
La nomination officielle de Marco Donadel comme entraîneur-chef n’est donc pas une rupture, mais la formalisation d’un processus entamé depuis plusieurs mois : observer, stabiliser, comprendre.
Donadel, ancien joueur apprécié pour sa rigueur et sa proximité avec les jeunes, a su convaincre en interne. « Il adore la ville, il adore le club, » résume Saputo. « Sa communication avec les joueurs, surtout les Européens, est claire. On a vu une belle progression depuis juillet. »
Une saison en deux temps
Difficile, pourtant, d’oublier le début d’année. « Huit points en dix-sept matchs », admet-il sans détour. Puis : « Vingt points dans la deuxième moitié. »
Le calcul est rapide : une projection à quarante points sur trente-quatre matchs. Encore loin du seuil des séries, mais le directeur sportif préfère parler de progrès.
« On a entamé un nouveau projet avec des joueurs comme Jiggy Games. On voit des changements. Marco nous aide sur les profils à cibler. »
L’équipe avance, et surtout, apprend à se définir.
Recruter une colonne vertébrale
Le mot revient souvent : structure. « On veut créer un groupe solide. » Saputo évoque « une forte colonne vertébrale », des joueurs avec « un peu plus d’expérience » pour « mettre nos talents dans les meilleures conditions ».
Son idéal ? « Des joueurs intenses, physiquement forts. » Il veut des leaders, mais aussi des compétiteurs.
Le CF Montréal a libéré de la masse salariale, vendu à bon prix cet été, et dispose d’une marge de manœuvre rare pour bâtir. « On a assez de flexibilité pour faire certaines choses », glisse-t-il, sourire discret.
Des dossiers sensibles : gardiens et jeunesse
Sur le cas Jonathan Sirois, Saputo reste mesuré. « C’était notre idée dans cette reconstruction : améliorer chaque poste. » L’arrivée d’un autre gardien a brouillé la hiérarchie, mais le club veut « évaluer calmement » la suite.
Même approche pour les jeunes : prudence, observation, et travail individuel. « J’ai appris à manager chaque personne différemment », dit-il à propos de sa première saison à la tête du projet sportif.
« Pas seulement les joueurs, mais aussi les coachs, le staff, tout ce qui gravite autour. »
Entre modèle et identité
Lorsqu’on lui parle du modèle du CF Montréal, Saputo ne cache pas son ambition : « Oui, on peut s’inspirer d’autres clubs nord-américains qui réussissent avec des moyens similaires. »
Mais au-delà du modèle, il insiste sur le long terme. « On ne veut pas faire quelque chose juste pour avoir du succès un mois. On veut du succès durable. »
Il sait que les partisans, eux, sont impatients. « Je comprends. Nos fans méritent cette étincelle positive. » La promesse : un mercato actif, mais réfléchi. « On veut des bases solides. »
Le lien perdu avec les fans
Puis, le sujet qui fâche : la déconnexion entre le club et son public local.
« Les gens me disent : “je suivais l’équipe il y a deux-trois ans, aujourd’hui je ne peux plus nommer cinq joueurs.” »
Luca Saputo ne fuit pas la question. « C’est vrai. On veut plus de Québécois, de Canadiens. »
Il en cite. Mais reconnaît qu’il faut davantage : « On aimerait en avoir plus. »
L’académie pousse, assure-t-il, mais le chemin vers une équipe qui reflète la ville reste long.
2026 : construire pour durer
L’objectif est clair : consolider le projet Donadel. « On a quatre mois pour travailler et améliorer. »
Le CF Montréal veut arriver au camp de 2026 avec une ossature stable, des joueurs déjà intégrés et une identité mieux assumée.
Même les partenariats sportifs sont repensés : son frère Simonin Saputo gère désormais les relations avec d’autres clubs, notamment en CPL.
La vision d’un projet patient
Au moment de clore l’entrevue, Luca Saputo réitère le processus de renconstruction du club :
« On a commencé un projet en juillet. Les bases sont là. On doit construire dessus. »
Pas de promesses tonitruantes, pas de slogans. Seulement l’idée d’un club qui veut, enfin, se redéfinir avec cohérence.
Un CF Montréal plus patient, plus réfléchi, mais aussi plus conscient de ce qu’il doit redevenir : le miroir du foot montréalais, avec sa passion, ses imperfections et son accent.