Charles-Émile Brunet de l’Académie au Campus

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Charles-Émile Brunet de l'Académie au Campus

La porte s’ouvre, le studio se calme, et un accent tranquille prend la place. Charles-Émile Brunet s’installe, droit, le regard clair. Il vient de Central Arkansas, NCAA D1. Il s’apprête à filer vers SMU, conférence plus relevée, vitrine plus vaste. Montréal écoute. Le Québec du foot aussi.

« Je veux toujours plus. Plus haut. » La phrase tombe sans emphase. Elle résume tout. Le milieu québécois a choisi la route américaine. Pas par mode. Par méthode.

Le pari NCAA, méthode plutôt que mode

Il raconte la première saison. Les voyages. Les hôtels cinq étoiles. Les bus pour l’équipe, le staff, la vidéo. « Franchement, dans certaines D1, les installations n’ont rien à envier à des clubs pro. » L’affirmation surprend encore ici. Elle n’étonne plus là-bas.

Le cœur du dossier, c’est le transfer portal. Une plateforme, un clic, et on entre sur le marché. « Tu te déclares dispo, les coachs t’écrivent direct. J’ai eu des appels, des messages. C’est comme LinkedIn. » Il sourit. On devine des nuits courtes, des choix lourds. « J’ai aimé Central Arkansas. Mais SMU, c’est une conférence au-dessus. Plus de visibilité pour la draft, pour la MLS. »

Le studio le relance sur la CPL. Il y a eu des signaux, pas d’offre ferme. Il a dit non, pour l’instant. « On s’est inspirés d’exemples comme Moïse Bombito. Passer par la NCAA, devenir plus fort physiquement, garder l’école à côté. Je sais ce que j’ai à travailler. Le rythme. Les duels. Là-bas, c’est intense. » Les mots sont précis. Pas d’enrobage, pas d’excuse. Un plan, simplement.

Le risque ? Il ne l’esquive pas. On sort de la NCAA plus âgé que des produits d’académies. La fenêtre pro se resserre. « Je le savais. Mais chacun a son chemin. Je ne voulais pas arriver chez les pros trop tôt. J’en ai vu pour qui c’est beau au début… puis très dur. Je préfère me développer bien, puis sauter. » La prudence n’annule pas l’ambition. Elle la cadre.

SMU, la vitrine et l’engagement

SMU l’a convaincu sur un point : l’accompagnement vers le pro. « Le coach a été franc. Leur but, c’est de nous placer. MLS, USL, Europe s’il faut. Ils ont des contacts. Même si je ne finis pas mon cursus chez eux, ils aident. Parce que quand un gars signe, ça valorise le programme. » La mécanique américaine est limpide : le résultat comme carte de visite.

Le portrait prend une autre teinte quand le nom de Patrice Bernier apparaît. Brunet a porté le 8 par hommage. « Quand j’étais petit, j’ai reçu son maillot. Je joue au même poste. Il m’a inspiré. » Le lien avec le CF Montréal est assumé. « C’est un rêve. Mais l’important, c’est d’avoir une chance en MLS, peu importe où. » Il concède deux fantasmes de supporter-joueur : Inter Miami pour l’aura de Messi, Columbus pour le projet Nancy. On entend l’enfant dans la voix. Puis l’adulte reprend : « D’abord, perforer à SMU. »

Le cadre familial pèse, mais juste. Son père, journaliste respecté, l’a guidé sans forcer. « Il n’a jamais mis de pression. Il veut que je sois heureux. C’est lui qui m’a dit : va en NCAA, développe-toi physiquement, garde l’école. Avec le recul, ça a changé ma vie. » Le mot « école » revient souvent, presque comme un totem. Ici, on aime ce mélange. Beaucoup de familles s’y reconnaîtront.

Une génération qui bouge

Le studio élargit le champ. Les Québécois en NCAA sont plus nombreux qu’on le pense. « Une dizaine, au moins. Dans des gros programmes : Penn State, Marshall, Charlotte… » Les recruteurs européens existent, mais pour l’élite. « Faut être top des tops pour signer direct là-bas. » Alors la voie la plus réaliste reste claire : se montrer au pays, passer par la draft, s’accrocher à une invite MLS, décrocher un contrat USL, remonter. C’est long. C’est possible.

Au milieu des analyses, le joueur transparaît. Il aime marquer. « En ce moment, c’est frappes du gauche de loin. » Il sourit encore. Messi plutôt que Ronaldo. Coupe du monde plutôt que Jeux olympiques. Match du samedi à la télé avec les amis. Des choix simples. Une normalité rassurante.

Mais le cœur du reportage, c’est cette bascule que vit le soccer québécois. Une génération comprend que la NCAA n’est pas un détour. C’est une autoroute parallèle. Elle exige discipline, patience, anglais courant, et un GPS bien réglé. En échange, elle offre des terrains parfaits, des salles de musculation ouvertes à 6 h, des analystes vidéo, un diplôme, et parfois… la prochaine porte.

Le coach de SMU l’a résumé en privé, selon Brunet : « Rends-toi indispensable ici. On s’occupe du reste. » Un agent l’a épaulé pour le portail. Les animateurs l’ont challengé. Les supporters l’ont encouragé. Tout cela ressemble à une communauté de performance. C’est neuf, ici. Et c’est précieux.

Charles-Émile Brunet la voie NCAA

Reste une question, plus large que la trajectoire d’un milieu prometteur. Comment le Québec organise-t-il ses ponts ? Entre académies, RSEQ, PLSQ, CPL, NCAA, MLS. Comment éviter que ces routes parallèles deviennent des impasses concurrentes ? Comment faire pour que le choix de l’école ne soit pas vu comme un renoncement, et que la CPL ne soit pas perçue comme un palier mineur ? « C’est pas l’un contre l’autre, » tranche Brunet. « C’est la meilleure voie pour chacun. »

Le reportage se termine comme il a commencé : calmement. « En 2025, je veux garder le plaisir de jouer. » On note la priorité. Elle tient en cinq mots. Elle dit l’essentiel : la carrière ne vaut rien si le jeu s’éteint. À l’heure où le soccer grandit ici, où la Coupe du monde 2026 approche et où Montréal cherche son souffle, cette phrase sonne juste.

Dernier mot… et prochaine question

Au-delà de Brunet, c’est tout le cheminement québécois qui se redessine. Relions nos voies plutôt que de les mettre en concurrence : académies, RSEQ, PLSQ, CPL, NCAA, MLS. Le but n’est pas de choisir un camp, mais d’offrir à chaque joueur la bonne porte au bon moment. Cela exige trois choses simples : éducation solide comme filet, accès réel aux bourses et aux démarches vers les États-Unis, formation locale exigeante pour retenir… et mieux exporter. 2026 approche, la scène sera mondiale. Mieux vaut présenter des joueurs formés dans la durée : solides, curieux, prêts à apprendre vite. La bonne question n’est plus « quelle route est la meilleure ? », mais « comment garder le plaisir et la progression, puis signer au moment juste ? ». La boussole tient en quatre mots : plaisir, progression, diplôme, opportunité. Le reste — le contrat, la ville, la ligue — vient après. Comme une remise propre qui lance l’action, sans précipitation, dans le bon tempo.