Le 25 septembre, dans une salle comble où se mélangeaient anciens coéquipiers, jeunes espoirs et dirigeants du soccer québécois, Rocco Placentino a officialisé la naissance du FC Supra du Québec. Pour lui, ce n’était pas une simple conférence de presse : « C’était comme un deuxième mariage. Toute la famille était là. »
L’émotion est palpable. Ancien joueur en Italie, président du CS Saint-Laurent et figure respectée de la scène locale, Placentino a porté ce projet à bout de bras pendant cinq ans. Aujourd’hui, il devient réalité : une franchise en Canadian Premier League (CPL), pensée et construite « d’ici pour ici ».
Les déclencheurs : Halifax, Toronto et deux étoiles
La genèse remonte à deux soirs fondateurs.
D’abord, une victoire surprise du CS Saint-Laurent contre Halifax en Coupe du Canada. Puis, ce fameux match face au Toronto FC, joué devant 7 000 spectateurs à Centenary Park. « Ce soir-là, j’ai compris qu’on devait avoir une équipe professionnelle. C’était la preuve que le Québec pouvait répondre présent. »
À cela s’ajoutent deux trajectoires : celles de Moïse Bombito (Colorado Rapids, CanMNT) et Ismaël Koné (Sassuolo, ex-Watford), tous deux passés par Saint-Laurent. Leur succès a servi d’argument massue : le Québec est un terreau riche, encore sous-exploité.
Le modèle Bilbao… version québécoise
Dès le départ, Placentino insiste : « Ce sera une équipe 100 % québécoise. Pas 80 %, pas 90 % : 100. »
Une approche qui rappelle l’Athletic Bilbao et son effectif composé uniquement de joueurs basques. « Pour moi, un joueur d’ici, c’est quelqu’un qui vit au Québec, qui a grandi ou choisi d’y rester. C’est une question de loyauté et d’identité. »
Au-delà du terrain, les joueurs auront une mission communautaire : visiter écoles, clubs amateurs, inspirer la relève. « Tu signes un contrat CPL, mais aussi un contrat de fidélité avec le club. »
Budget, recrutement et ambition claire
Le Supra disposera d’une masse salariale de 1 à 1,5 M$. L’idée : bâtir autour de vétérans québécois déjà établis en CPL, ajouter des talents de Ligue1 Québec, et donner leur chance à de jeunes joueurs issus des clubs locaux ou du réseau universitaire.
Et l’ambition est immédiate : « On doit gagner. C’est difficile, mais pas impossible. On veut être plus qu’un club de CPL, on veut faire la différence. »
Stade Boréal : un symbole fort
Le club jouera au Stade Boréal (Bois-de-Boulogne, Laval), en partenariat avec Les Roses de Montréal. « Sans eux, on ne serait peut-être pas là aujourd’hui, » reconnaît Placentino, ému. L’image est forte : un club féminin qui ouvre la voie à un club masculin.
Olivier Brett résumait : « C’est ça l’évolution du soccer au Québec. »
Héritage Supra et identité
Pourquoi « Supra » ? Par attachement à l’histoire. Entre 1988 et 1992, le Supra Laval jouait déjà en Canadian Soccer League. « J’étais un jeune partisan au Stade Claude-Robillard, bleu-blanc-rouge. Aujourd’hui, on reprend ce nom pour écrire une nouvelle page. »
Dans la salle, des ultras improvisent déjà des chants. « On veut recréer cette culture : une équipe qui appartient à ses partisans. Plus de 10 km par match, sinon tu ne joues pas. »
CF Montréal : rivalité ou synergie ?
Inévitable, la question revient : quelle relation avec le CF Montréal ?
Placentino clarifie : « MLS et CPL, ce sont deux mondes différents. On n’est pas une équipe réserve. Mais si le CF a des jeunes qui ne trouvent pas de place en première équipe, pourquoi ne pas les accueillir en prêt ? »
Une complémentarité plus qu’une concurrence, donc. Et un potentiel derby électrique en Championnat canadien.
Des investisseurs locaux et passionnés
Le projet repose sur un groupe réduit, mais solide.
- Matteo Matrizzetta, investisseur international déjà impliqué dans le foot.
- Angelo Pasto, figure montréalaise.
- Jean-François Chénier (AS Blainville) et Stéphane Tétreault (EB Games).
- Plusieurs actionnaires minoritaires, tous passionnés de soccer.
« Ce n’est pas juste du capital. C’est de l’énergie et de la passion. »
Une vision provinciale
Placentino assume : le club s’appelle Supra du Québec. Pas Laval, pas Montréal. « C’est une équipe du Québec, avec des joueurs de partout. On veut même jouer des matchs à Québec, Trois-Rivières, Gatineau. »
Et il lance un défi en direct : « J’espère qu’une deuxième équipe verra le jour à Québec. On veut un derby. Comme Canadiens-Nordiques à l’époque. »
Au-delà du sport : un enjeu de société
Le lancement du Supra dépasse le soccer. Il pose une question : comment le Québec veut-il reconnaître et valoriser son immense réservoir de jeunes joueurs, souvent freinés par le modèle pay-to-play ?
Avec trois clubs pros (CFM, Roses, Supra), une ligue féminine nationale et la Coupe du monde 2026 à l’horizon, le Québec entre dans une nouvelle ère.
« Le soccer ici est riche. Comme parent, comme joueur, comme partisan, je le sais. Maintenant, on doit le montrer au Canada entier. »