Ismaël Koné, la voix d’un Québec qui rêve plus grand

0
16
Ismael Kone Canada Soccer

Le soleil tape encore sur le terrain d’entraînement quand Ismaël Koné s’avance, sourire discret, regard déterminé. À 22 ans, le milieu québécois n’a déjà plus rien d’un joueur en devenir. De Montréal à la Serie A, en passant par l’OM, il incarne une génération qui refuse les parcours tracés et qui veut prouver que le Canada peut surprendre les grandes nations. « Avant on parlait de construction. Maintenant, la base est posée. Ce sont les détails qui vont faire la différence », lâche-t-il, lucide.

Les détails qui coûtent cher

En sélection, Koné a vécu de près la montée en puissance du Canada. Face aux États-Unis et au Mexique, il a senti la marche à gravir. « On a fait un bon camp. Mais en demi-finale, certains détails nous ont coûté la finale. Contre les Américains, par contre, on a été meilleurs. Ces petits détails, c’est ce qui sépare une bonne équipe d’une grande équipe. »

L’arrivée de Jesse Marsch a renforcé cette exigence. Habitué aux bancs européens, le technicien américain veut installer une culture du résultat. « Avec lui, le standard est différent. Ne pas atteindre la finale de la Gold Cup, ça ne peut plus être accepté. » Koné sait que le Canada n’a plus l’excuse de la jeunesse. Il doit assumer son statut.

L’effet de surprise

Pourquoi croire à une surprise en 2026 ? Koné répond sans détour. « Il n’y a pas beaucoup d’équipes qui savent à quoi s’attendre de nous. On est jeunes, on a faim, et on n’est pas attendus. Ça nous pousse à travailler quatre fois plus. »

Cette invisibilité internationale est presque une arme. Pour des joueurs dont le passeport ne pèse pas autant que celui des grandes nations, la motivation est décuplée. « On veut plus prouver aux autres, mais à nous-mêmes. On sait qu’on peut bousculer les attentes. »

Le poids d’un parcours atypique

Son parcours en est la preuve. Parti de Montréal sans passer par l’académie du CF, il a trouvé sa voie ailleurs. « Quand j’étais petit, je voulais y entrer. Je savais que c’était ma meilleure chance de signer pro. Mais je n’ai pas été pris. C’est devenu une motivation énorme. Aujourd’hui, je suis fier d’avoir réussi autrement. »

Il se souvient de ce moment face aux Pays-Bas, aux côtés de Moïse Bombito. « On s’était déjà croisés en U21 sans imaginer qu’on jouerait un jour contre la Hollande ensemble. C’était fou. » Ces histoires, il les répète aux plus jeunes. Comme pour rappeler que les chemins détournés peuvent mener au sommet.

Les questions qui fâchent

Tout n’a pas été simple. Son passage à Marseille a laissé des traces. Un épisode polémique aurait pu freiner sa carrière. Il relativise : « Je crois beaucoup en Dieu. Si c’est arrivé, c’est que je devais apprendre quelque chose. Ce qui m’a le plus affecté, c’est ma famille, surtout ma mère. Pour moi, je savais qu’il y aurait des hauts et des bas. Mais pour elle, c’était dur. »

Koné assume ses réactions, reste fidèle à lui-même. « Je sais qui je suis. Je n’ai pas de regret. Dans le foot, ça arrive de faire des erreurs. L’important, c’est de rester intègre. » Cette maturité force le respect.

Sassuolo, la renaissance

En Italie, il respire de nouveau. « J’ai retrouvé une atmosphère et une énergie dont j’avais besoin. À Sassuolo, on m’a compris. On savait ce que je pouvais apporter. » Son but sous ce maillot a été vécu comme une délivrance. « Je voulais que ma célébration parle d’elle-même. Certains l’ont mal interprétée, mais moi je savais ce que ça représentait. »

Le projet l’a convaincu. Club historique de Serie A, Sassuolo revient de Serie B avec l’envie de prouver. « Ils ont cru en moi. Ils ont compris ma situation. Je sais qu’on peut faire de grandes choses ensemble. »

Au-delà du joueur, une fierté québécoise

Ce que Koné incarne dépasse le cadre sportif. Il symbolise cette bande de jeunes Québécois – Farci, Bombito, et d’autres – qui ont percé sans suivre la voie classique. Leur réussite nourrit une nouvelle fierté collective. « C’est une énorme fierté. Quand tu viens de là-bas, tu sais à quel point c’est difficile. Ça montre que tout est possible. »

Et demain ?

En 2026, le Canada disputera sa Coupe du monde à domicile. Koné le sait : l’équipe est déjà attendue. Mais il croit au potentiel. « On n’est plus en construction. On doit viser haut. »

Au fond, son récit illustre un enjeu plus large : celui de la place du soccer dans la société québécoise. Une génération entière rêve désormais de montrer qu’ici aussi, on peut produire des joueurs capables de rivaliser avec les meilleurs. Koné est leur porte-voix.