James Johnson Canadian Soccer Business : le liant du foot canadien

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Canada vs Ukraine at BMO Field, June 7, 2025. Photo credit: Giuseppe Campanelli

Le matin est calme au Centre Sheraton de Montréal, mais dans la salle de conférence, on sent la tension du changement. Devant les journalistes, James Johnson, le nouveau patron de Canadian Soccer Business (CSB), entame son premier grand rendez-vous public. “Les cent premiers jours, c’était pour écouter, comprendre, apprendre”, lâche-t-il d’une voix posée. Pas de grandes envolées, juste une volonté claire : remettre le football canadien en ordre de marche.

Johnson est arrivé dans un paysage fragmenté : une ligue professionnelle encore jeune, des championnats provinciaux en quête d’identité, et une fédération nationale souvent perçue comme distante. Il a choisi la méthode lente, presque artisanale : aller sur le terrain, écouter les clubs, comprendre les réalités. “Les messages étaient constants : on veut plus d’unité, plus de visibilité et moins de silos”, résume-t-il.

Une vision vivante, pas un plan figé

De cette tournée d’écoute est née ce qu’il appelle une vision vivante — un plan évolutif, ajustable, qui s’adapte au contexte du pays. L’objectif : reconnecter les circuits. Mieux arrimer la CPL et League1, intégrer pleinement le soccer féminin dans le modèle économique, et surtout, réparer une relation abîmée avec Canada Soccer.

“On ne peut pas faire grandir le jeu si nos institutions se regardent comme des rivales”, glisse Johnson. Pour lui, il ne s’agit plus de choisir un camp, mais de bâtir un écosystème cohérent où les clubs, les provinces et les sélections tirent dans la même direction.

Le Québec, pivot stratégique

Quand vient la question du Québec, il ne cache pas son intérêt. Il parle d’“énergie unique”, de “culture foot authentique”, et d’un territoire qui doit faire partie du futur. Dans les couloirs, tout le monde pense à Supra Québec, le projet d’une nouvelle ligue provinciale ambitieuse. Johnson ne s’avance pas trop, mais laisse entrevoir la possibilité d’un deuxième club québécois en CPL.

Il sait que la province attend plus qu’un discours : un lien concret entre la formation locale et le haut niveau. “Un jeune de Laval ou de Trois-Rivières doit pouvoir rêver de la CPL sans devoir quitter sa province”, explique-t-il, conscient que cette passerelle manque encore.

Le casse-tête de la visibilité

L’autre grand défi, c’est la visibilité. Aujourd’hui, trop de partisans ignorent encore où regarder leurs équipes. “Les fans veulent voir leurs clubs, leurs héros. Ils ne devraient pas avoir à chercher sur quelle plateforme joue le Canada”, soupire Johnson.

Il rêve d’un écosystème unifié, où toutes les compétitions — CPL, League1, sélections nationales — seraient accessibles depuis un même espace. “Un vrai foyer pour le soccer canadien”, dit-il, avant de glisser un mot qui sonne comme une promesse : francophonie. Car il le sait, le français est la clé d’un ancrage national réel. Une stratégie bilingue est déjà en préparation, avec l’objectif de donner au soccer québécois la place médiatique qu’il mérite.

L’économie du talent

Autre constat sans fard : le Canada forme, mais ne récolte pas. En 2024, les transferts de joueurs canadiens ont généré à peine dix millions de dollars, contre des centaines de millions dans des pays comparables. Johnson veut corriger cette anomalie.

“Quand un club forme un joueur, il doit en bénéficier. C’est une question de reconnaissance, mais aussi de durabilité”, explique-t-il. L’idée est d’instaurer un cadre contractuel et réglementaire qui valorise les clubs formateurs et permette de réinvestir dans les structures locales.

Pour lui, ce n’est pas une question d’économie, mais de culture : “Il faut créer une économie du mérite, pas du hasard.”

2026 comme ligne d’horizon

Derrière tout ce plan se profile une date : la Coupe du monde 2026. Johnson la présente comme un moment fondateur, pas un objectif marketing. “Ce sera notre test. Est-ce qu’on aura bâti quelque chose qui reste après ?” demande-t-il, presque pour lui-même.

Il imagine un Canada où le foot deviendrait un rituel collectif, où chaque ville aurait son match du week-end, où les stades communautaires seraient des points de ralliement. “En Belgique, même dans un petit village, tout s’arrête le samedi pour le match local. C’est ça que je veux pour nous.”

L’image est simple, presque romantique. Mais dans sa bouche, elle sonne juste : il parle de socle, pas de spectacle.

Un sport à recoudre

Au fond, ce que Johnson décrit, ce n’est pas seulement une réforme du soccer canadien. C’est une tentative de recoudre un tissu social. Après des années de croissance désordonnée, le jeu a besoin de retrouver un fil conducteur.

Au Québec, ce message résonne avec une intensité particulière. Ici, le foot est une langue commune, celle des gamins de Parc-Ex, des familles maghrébines de Laval ou des étudiantes de Sherbrooke. Le projet de Johnson, s’il réussit, pourrait donner à cette mosaïque un sentiment d’appartenance que la fédération n’a jamais su créer.

“Le soccer canadien ne manque pas de talent”, conclut-il calmement. “Il manquait de liens. C’est ça, notre mission : relier.”

Une phrase presque banale, mais qui résume tout. Derrière la diplomatie du PDG se devine un pari plus intime : transformer le football canadien en histoire partagée, pas seulement en produit.

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