Le réveil d’un géant : Mode d’emploi pour l’Impact

0
1381

Une collaboration spéciale de Mehdi Saher

L’Ajax d’Amsterdam a cruellement vécu la fin de son épopée européenne. À la surprise de plusieurs observateurs, le club à la bande rouge a atteint les demi-finales, éliminant au passage des grands comme le Real Madrid et la Juventus.

Le soccer ne gagnant en popularité au Québec que dans les dernières années, peu de gens connaissent ce club pourtant mythique. Le concept de football total est la marque de fabrique du club, ayant quatre ligues des champions à son actif, dont trois de suite avec un certain Cruyff dans ses rangs. Mais les amstellodamois sont tombés aux oubliettes depuis le début des années 2000. C’est pourquoi ils ont mis en place un nouveau système de formation qui les a amenés là où ils sont aujourd’hui.

Formation, Formation, Formation :

L’Ajax doit d’abord cette épopée à un retour aux sources et un combat d’idées. Les rivaux du PSV enchaînant les championnats, Johan « Dieu du foot » Cruyff décide de prendre les choses en main au tournant de 2010. Ancienne légende du club, il mène une vraie bataille politique face aux autres anciens de la maison qui ont mené l’équipe dans les années précédentes. Il prône la formation, veut oublier la culture du résultat dans les catégories de jeunes et se concentrer sur créer un vivier pour l’équipe A.

Ce travail n’ayant bien sûr pas de résultat immédiat. Il faut donc de la patience. Mais Cruyff, qui est considéré comme le père spirituel de la culture de l’Ajax comme du Barça, croit en son projet et met l’académie sous la houlette Wim Jonk, ancien joueur et directeur de la formation technique individuelle. La technique individuelle, voilà le fer de lance qui gouvernera la mentalité Ajacide.

Trois grands principes

Le centre de formation met d’abord en place un changement de culture. Les résultats ne sont plus la priorité. Pour ce faire, Jonk et Cruyff créent un système de rotation des entraineurs bimensuel. Les entraineurs n’ont donc plus à cœur les résultats d’une équipe, mais bien le développement des joueurs. Les dirigeants reçoivent aussi l’observation de tous leurs entraineurs sur leurs pépites.

Ensuite, les joueurs sont mis dans des conditions inhabituelles. Plusieurs catégories de jeunes s’entrainent régulièrement sur l’asphalte (sans nids de poule). La peur de tomber prend le pas, et les joueurs apprennent à défendre debout et mieux se placer. Aussi, les joueurs ne jouent pas dans leurs positions naturelles. L’exemple parfait est celui de Matthis De Ligt, défenseur, qui est mis au milieu pour améliorer sa technique et sa vision même si ses performances laissent à désirer sur le moment. Les bons joueurs sont aussi automatiquement surclassés pour parfaire leur développement, comme De Ligt qui jouait aux côtés de joueurs de trois ans ses ainés. 

 « Si on avait voulu juste gagner des matches, on l’aurait laissé en U14 et en défense, mais ce n’était pas intéressant pour son développement personnel. Et c’est aujourd’hui l’équipe première qui en bénéficie. » dit l’assistant de Jonk de De Ligt à Eurosport. Aujourd’hui

Finalement, le recrutement, mené par Overmars, l’ancien de l’Ajax et du Barça (ca vous rappelle quelqu’un?) . Les joueurs recrutés doivent adhérer à la mentalité de Cruyff. Le don de soi, la capacité de presser haut et la justesse technique. Les performances passées importent peu. Si un joueur a la mentalité recherchée, il réussira à l’Ajax. C’est pourquoi Tadic a eu le succès qu’on lui connait malgré son passage raté à Southampton. Sa prise d’initiative et sa générosité dans le jeu ont été la clé de son recrutement. L’Ajax recrute aussi local. Connaissant son pouvoir d’attraction au Pays-Bas, ils en profitent pour recruter à bas prix les talents du pays à un jeune âge, pour les intégrer rapidement.

L’Impact devrait-il s’en inspirer?

Recruter des joueurs coûte cher, les former rapporte énormément. L’Impact est face des politiques MLS de recrutement donnant un avantage aux clubs américains comme le rapportait Sofiane Benzaza. De plus, l’Impact ne peut se contenter d’attendre qu’un Ballou-Tabla sorte d’un chapeau magique pour avoir des transferts lucratifs.

L’Impact de Montréal fait déjà de l’excellent travail en ce qui a trait à l’académie sous la direction de Philippe Eullaffroy. En intégrant des anciens de la maison comme Patrice Bernier pour inspirer les jeunes, l’Impact s’assure de fluidifier la mentalité de l’équipe. Le Bleu-Blanc-Noir a en place une idéologie claire et donne les moyens à son académie. L’Impact utilise aussi déjà son pouvoir d’attraction vu son partenariat avec Ottawa et use de son son réseau en Amérique latine et l’attractivité du Canada pour recruter des jeunes talents établis. Il pourrait falloir les prendre plus jeunes, et leur laisser le temps d’éclore. Ces jeunes pourraient avoir une belle plus-value à la revente. Ça n’empêche pas de continuer à recruter des joueurs établis comme le club le fait présentement.


L’Impact de Montréal fait du beau travail, le chemin est déjà bien entamé et l’inspiration de l’Ajax ne représenterait pas beaucoup de modifications.

Pourquoi ne pas permettre à Patrice Bernier de faire ses classes en lui proposant un poste similaire à celui qu’avait Jonk? C’est un joueur qui perdait rarement le ballon, prenait les bonnes décisions et savait de sortir des petits espaces. Il n’y a pas mieux que lui dans la province pour superviser le développement de la technique et la vision des jeunes.

Aussi, l’expérience de Garde et son équipe est une opportunité en or pour bâtir une académie à l’image de l’équipe première envisagée. Les rumeurs de son départ reviendront chaque saison, et deviendront un jour réalité. C’es donc le moment de construire un projet sur le long terme pour l’académie, mené par une équipe qui a dirigé Lyon, un grand club formateur français,

L’Impact a des dépisteurs en Amérique latine. Pour recruter local, pourquoi ne pas monter une armée de dépisteurs pour les envoyer partout au Québec et au Canada pour amener les pépites (OUI, il y en a) dès le plus jeune âge ? Le système nord-américain fait que les talents sont souvent oubliés, ou développés trop tard. Or la technique doit se développer dès le plus jeune âge.

Le grand changement nécessaire serait l’oubli de la culture des résultats. Le FC Montréal a été retiré de par son manque de résultats et les dépenses qu’il engrangeait. C’était une erreur, le retour sur investissement allait arriver après plusieurs années, la patience devait être de mise. Les surclassements doivent être monnaie courante, et ce jusqu’en CPL/USL et la rotation des entraîneurs aussi doit être mise en place.

Sous la houlette de Bernier et Eullaffroy, l’Impact aura son idéologie, son style, les partisans aimeront voir ça à long terme, et rempliront les travées de l’équipe première comme celles des jeunes.