Valour FC va suspendre ses opérations à la fin de la saison 2025, devenant le deuxième club de l’histoire de la Première ligue canadienne à disparaître après le FC Edmonton, un coup dur symbolique et structurel pour un championnat encore jeune. Cette décision, motivée par l’absence de modèle financier viable à Winnipeg, intervient alors que l’arrivée du Supra FC permet néanmoins à la ligue de maintenir un plateau de huit équipes en 2026.
Un pion fondateur qui s’éteint
Fondé en 2019 et adossé au Winnipeg Football Club, l’organisation communautaire qui dirige aussi les Blue Bombers de la LCF, Valour faisait partie du noyau originel qui a lancé la CPL avec l’ambition de bâtir un nouvel étage pour le soccer professionnel canadien. Mais derrière une image de projet stable, les états financiers racontaient une autre histoire, avec des pertes récurrentes et une incapacité à atteindre l’équilibre, même après plusieurs saisons d’ajustements sportifs et commerciaux.
Dans son communiqué, le club explique qu’un « examen approfondi » des scénarios possibles n’a débouché sur aucune voie « viable » pour l’avenir, scellant le sort d’une franchise qui n’aura finalement jamais trouvé la bonne équation entre marché, stade et résultats. Winnipeg Football Club avait déjà prévenu depuis plusieurs années que le soccer devait, à terme, s’autofinancer, une barre que Valour n’a jamais vraiment semblé en mesure d’atteindre.
Valour, nouvel Edmonton
Le précédent existe déjà : en 2022, le FC Edmonton avait vu la CPL retirer le droit d’exploitation à Fath Sports, après des années de faibles assistances, de revenus anémiques et de performances moribondes. La ligue avait alors parlé d’un « cas unique », insistant sur le fait que la santé globale du circuit n’était pas en cause, même si elle avait dû, là aussi, prendre en charge une partie des coûts pour prolonger artificiellement la vie du club.
Le scénario qui se joue aujourd’hui à Winnipeg ressemble étrangement à celui d’Edmonton : prises en charge partielles des dépenses par la ligue, recherche d’investisseurs, discussions sur un nouveau modèle d’exploitation, puis constat froid qu’aucune solution réaliste ne permettait de projeter le club au-delà de 2025. En sept ans d’existence du championnat, deux marchés ont donc déjà décroché, ce qui nourrit inévitablement les interrogations sur la robustesse économique de certains projets hors Toronto, Vancouver ou les bastions plus établis.
Un trou béant à Winnipeg
Pour les joueurs, la conséquence est immédiate : tous ceux qui étaient sous contrat au-delà de 2025 deviendront automatiquement agents libres ou retourneront dans leur club d’origine, une mécanique déjà utilisée au moment de la fermeture d’Edmonton. Les membres du personnel verront leurs engagements honorés jusqu’à la fin de l’année, avant que le club ne disparaisse des feuilles de paie, comme l’ont confirmé à la fois la CPL et Valour.
Les partisans, eux, recevront un remboursement de leurs billets de saison, un geste minimal qui ne compense pas la perte d’un repère sportif dans une ville où le soccer professionnel tentait encore de se faire une place entre football canadien, hockey et baseball. Les témoignages d’anciens employés, de joueurs et de fans, recueillis au Manitoba ces derniers jours, insistent sur le sentiment de deuil autour d’un club qui, malgré ses limites, avait commencé à générer une vraie culture locale.
Une ligue à huit… encore
Paradoxalement, le tableau d’ensemble ne montre pas une ligue en contraction pure, puisque l’arrivée récente du Supra permet de maintenir le nombre de clubs à huit pour la saison 2026. Le message officiel reste le même que lors de la disparition d’Edmonton : mieux vaut concentrer les ressources dans des marchés jugés plus porteurs plutôt que maintenir artificiellement en vie un projet structurellement déficitaire.
Sur le plan sportif, la CPL conserve donc un calendrier et un format relativement stables, avec un bassin de joueurs comparable grâce au recyclage des effectifs libérés et à la montée en puissance de nouveaux marchés. Mais à moyen terme, la ligue devra démontrer qu’elle peut non seulement ouvrir des clubs, mais aussi les faire prospérer, faute de quoi chaque expansion risque d’être perçue comme potentiellement éphémère.
Un stress-test pour le modèle CPL
Le cas Valour met à nu les fragilités du modèle économique actuel : dépendance à des propriétaires patients, revenus de billetterie encore modestes, limitations infrastructurelles, et concurrence féroce pour le dollar de loisir dans des villes de taille moyenne. Les pertes révélées ces dernières années — dépassant les deux millions de dollars sur un seul exercice dans le cas de Valour — montrent qu’une saison ratée sportivement se paie très cher dès que les foules peinent à suivre.
Pour la CPL, l’enjeu dépasse largement Winnipeg : il s’agit de prouver que le récit de croissance tient toujours, malgré ces arrêts brutaux. Après Edmonton et Valour, chaque nouvelle annonce d’expansion, chaque arrivée de club comme le Supra, sera jugée non seulement à l’aune de l’enthousiasme initial, mais aussi de la capacité à survivre au-delà de la première vague d’excitation, là où se joue la vraie professionnalisation du soccer canadien



