Sébastien Lessard : Les jeunes de Lévis vivent leur rêve au RC Lens !

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Le car file dans la nuit. Les chandails sèchent sur les dossiers. Dans les yeux, encore l’orange de Bollaert.
« C’était le feu à Lens », souffle Sébastien Lessard. Ni coach ni agent, mais témoin privilégié d’une aventure singulière : des U15 de l’AS Chaudière-Ouest plongés, pendant une semaine, dans le quotidien d’un centre de formation. Deux entraînements par jour. Deux matchs. Et surtout la vie en collectif : cantine, étude, règles. Le rêve… à condition d’en accepter le prix.

« On voulait un vrai avant-goût du niveau pro, pas un camp de vacances, » pose Lessard.

Un projet né d’un détour

Au départ, le plan passait par Bordeaux. La situation sportive et financière y a déraillé. Alors, l’idée a bifurqué vers le RC Lens.
« Ils nous ont ouverts les portes et on a saisi la chance, » dit-il.
Dès l’arrivée, le ton est donné : si tu ne performes pas, tu sors. Pourtant, les éducateurs lensois ajustent la pédale quand il le faut. « On voulait que l’expérience pousse, sans casser, » précise Lessard.

Rigueur française, regards québécois

Sur le terrain, l’exigence frappe. D’abord technique, à chaque touche. Ensuite mentale, à chaque consigne. Enfin structurelle, dans les installations.
« Honnêtement, tout est impressionnant : terrains hybrides, planification des séances, lien école-football, » énumère Lessard.
Et une phrase qui bouscule nos habitudes : « En centre de formation, ça coûte zéro aux familles. Le chéquier cède la place au devoir de performance. »

« Les premiers “oh là là” quand la passe manque d’intensité… ça pique, » sourit-il.
« Mais les gars ont compris très vite. »

Le rôle du messager

Chaque soir, un petit résumé part aux parents : photos, brèves vidéos, anecdotes. Pas un blog, trop lourd. Un simple doc partagé.
« Les familles vivaient l’expérience avec nous, » raconte Lessard.
De fil en aiguille, la distance se réduit. Par ailleurs, l’humanité prend sa place au milieu des répétitions et des retours vidéo.

Le choc culturel… et les sourires

Le “lait chaud” au petit-déj. Le goûter à 16 h 30. Les baguettes.
« Ici, on soupe tôt, là-bas on grignote avant de manger plus tard. Les gars ont adopté, » rigole-t-il.
Puis vient le pic émotionnel : ramasseurs de balles devant 38 000 voix, fumigènes et chants. « Rien contre le CF Montréal, mais l’échelle n’est pas la même. »
Dès le lendemain, les mêmes ados retournent à l’atelier passe-contrôle. Cependant, quelque chose a bougé : épaules plus larges, regards plus clairs.

Choisir le groupe plutôt que la chasse aux pépites

Beaucoup auraient sélectionné cinq “cracks”. Ici, l’ASCO a emmené toute l’équipe. Un pari. Une cohésion.
« On a préféré clore deux ans de travail ensemble. Chacun avec son baluchon d’ambitions, mais en gardant l’identité de groupe, » assume Lessard.
Dans les chambres, tout le monde se connaît. Par conséquent, l’ambiance reste simple, fluide, propice à l’apprentissage.

« Le voyage n’est pas un label. C’est un révélateur, » insiste-t-il.
« On ne signe pas en une semaine. On gagne de la lucidité. »

Effets sur le terrain… et ambitions assumées

Sportivement, l’effet est réel. Pas magique, réel. On travaille mieux. On se compare mieux. On comprend ce que “rigueur” veut dire.
« Les gars ont noté des repères : tests de vitesse, jonglerie, parcours technique. On pourra se mesurer en 2025, » explique Lessard.
Dans le championnat PLJQ, l’équipe reste solide. En arrière-plan, une motivation particulière : montrer que la région de Québec produit, elle aussi, des joueurs. « La rivalité avec Montréal existe. On veut être pris au sérieux. »

L’école, pilier non négociable

À Lens, la règle est claire. Si tu refuses l’école, tu sors.
Cette exigence résonne ici. Au Québec, l’élite passe par l’école, mais le maillon faible reste souvent l’hébergement. « Un jeune de Thetford ou d’ailleurs devrait pouvoir intégrer un sport-études sans imposer un déménagement à sa famille, » plaide Lessard.
Dès lors, la politique publique rencontre le vestiaire : résidences, familles d’accueil organisées, bourses. Autant de leviers à activer.

Ouvrir aussi la porte aux filles

Le mouvement ne doit pas s’arrêter aux garçons. « Le niveau féminin progresse vite au Québec. Des ponts avec la D1 française pourraient accélérer encore, » propose-t-il.
Plus d’options, c’est plus de chances. Vers le CF Montréal, vers une future franchise CPL à Québec, ou vers l’Europe. En somme, un écosystème qui s’élargit.

Bollaert, puis Saint-Rédempteur

Une photo devant le stade. Des chants dans la tête. Ensuite, retour à Saint-Rédempteur. Terrain plus modeste, ciel plus gris.
Le niveau d’exigence, lui, ne redescend pas. « Soyez bons. Soyez top. Faites-vous voir, » répète Lessard aux joueurs.
Au passage, deux garçons partent visiter Metz ou Nantes. Ce ne sont pas les passeports qui ouvrent, mais l’envie. « Nous, on aide à formuler un projet : qu’est-ce que je veux ? Qu’est-ce que je suis prêt à donner ? »

Sebastien Lessard, RC Lens

Et maintenant ?

2025 d’abord, pour approfondir à Lens. 2010 ensuite, peut-être, dans deux ou trois ans. « Si d’autres clubs nous copient, on aura gagné, » sourit Lessard.
Finalement, l’enjeu dépasse le rectangle. Le soccer québécois a quitté l’âge de l’enthousiasme pur. Il entre dans celui des infrastructures, des partenariats, des choix collectifs.
« Démocratiser l’accès au haut niveau, c’est un choix de société, » martèle-t-il.

Si les clubs, les écoles, les villes et les décideurs s’alignent, alors l’autoroute du foot se remplira. Un car de Lévis croisera un car de Saguenay. D’autres suivront depuis l’Estrie, la Mauricie, l’Outaouais. Et, pas à pas, le Québec roulera vraiment ensemble.