Marcus Coco : de la Guadeloupe aux pelouses de Ligue 1, l’histoire d’une fierté en quête de renouveau

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La voix est posée, mais l’émotion affleure. Marcus Coco parle sans filtre, comme il a appris à le faire avec le temps. À 29 ans, l’ancien joueur de Guingamp et du FC Nantes se retourne sur un parcours marqué par la patience, les blessures, mais surtout une fidélité intacte à ses racines : la Guadeloupe.
« Chez moi, c’était simple : toujours un ballon sous le bras, que ce soit à l’école, chez ma grand-mère, ou dans la rue. Le foot faisait partie de tout. »

Un enfant des Abymes

Né aux Abymes, il grandit dans une culture où le sport est omniprésent. « En Guadeloupe, on a cette réputation de terre de champions. Ça forge un caractère, une envie, une détermination. » Dans la cour d’école, les matchs improvisés et les fameux derbys CM1 contre CM2 étaient plus qu’un jeu : une école de vie.

Son père, lui aussi footballeur, transmet la passion. Rapidement, Marcus intègre le CREPS de Guadeloupe, centre de détection qui regroupe les meilleurs jeunes de l’île. « On affrontait les régions de France à la Coupe nationale. C’est là que tu espères taper dans l’œil d’un recruteur. » Lui devra patienter : pas de contrat immédiat, mais un départ avec ses parents vers la région parisienne.

Le saut vers le haut niveau

En France, Marcus joue en U15 et U17 Nationaux. « C’est le plus haut niveau jeune. J’ai fait un essai à Guingamp, puis un tournoi. L’année suivante, j’étais au centre de formation. »
Le passage au monde pro n’a pourtant rien d’un conte de fées. « J’ai passé cinq mois sans jouer. Je m’entraînais avec les pros mais je n’avais pas de match. J’ai failli craquer. » C’est un adjoint qui le relance d’une phrase simple : “Tiens bon, ça fait partie du chemin.”

Le déclic viendra d’une entrée en Coupe de la Ligue contre Monaco. Puis une titularisation face à Bordeaux. Et surtout ce match gagné contre l’OM (2-0) qui l’installe définitivement. « À partir de là, j’étais lancé. »

Les blessures, l’autre adversaire

En 2019, la carrière de Marcus bascule : une rupture grave au genou. « Je n’ai jamais pensé que c’était fini, parce que j’étais bien entouré. Mais si ça avait recommencé, ç’aurait été compliqué. »
La rééducation est longue, éprouvante. « Le staff médical joue surtout un rôle mental. Quand tu as mal et qu’on te dit que c’est normal, ça te garde debout. Sinon tu perds vite pied. »

Revenir dans un vestiaire qui a avancé sans vous, retrouver sa place… Marcus le décrit comme une épreuve initiatique. « Mais ça m’a appris à me connaître. »

Guingamp, Nantes et la polyvalence

Avec Guingamp, il dispute plus de trente matchs par saison, avant de vivre la descente en Ligue 2. Nantes arrive, Guingamp doit vendre. L’occasion est acceptée.
À la Beaujoire, Marcus découvre un autre environnement. Moins titulaire, plus de concurrence. Et une qualité qui devient à la fois force et faiblesse : sa polyvalence.
« J’ai joué tous les postes sauf gardien. C’est un reflet de ma personnalité : je m’adapte. Mais ça m’a parfois freiné. Quand tu changes sans cesse de rôle, tu n’as pas les mêmes repères. »

Son conseil aux jeunes : « À chaque saison, discute avec ton coach. Dis-lui où tu veux jouer. Sinon, tu te perds. »

La Guadeloupe comme mission

En 2023, Coco choisit officiellement de représenter la sélection de Guadeloupe. « C’était une évidence. Représenter l’île, c’est plus fort que tout. Même plus fort, pour moi, que mes sélections avec l’équipe de France espoirs. »
Il décrit ce choix comme une mission, et un héritage à transmettre : « Quand j’étais petit, je regardais les anciens jouer aux Abymes. Aujourd’hui, je veux être une passerelle pour les jeunes. Leur dire : c’est possible. »

La Gold Cup devient alors une vitrine, mais surtout une source d’inspiration collective.

L’avenir : MLS et curiosité internationale

Fin de contrat avec Nantes, Marcus intègre le groupe UNFP, où les joueurs libres s’entraînent comme dans un club pro. Parmi eux : Florentin Pogba, Alexandre Oukidja. Objectif : rester prêt.
La suite ? « Un passage à l’international. J’ai envie de découvrir d’autres cultures, d’autres façons de jouer. La MLS m’attire. Avant, en France, on en parlait peu. Aujourd’hui, avec Messi, Giroud, Bouanga… ce championnat est respecté. »

Un profil polyvalent, francophone, expérimenté : Montréal tend forcément l’oreille.

Le vestiaire et la vérité du terrain

Dans un groupe, Coco se voit comme un médiateur. « Je suis la passerelle, celui qui parle à tout le monde. » Son coach marquant : Jocelyn Gourvennec, celui qui l’a le plus coaché.
Et quand il se livre sur ce qu’il aurait aimé savoir plus jeune, sa réponse claque :
« Je pensais que c’était bien d’être remplaçant tant que tu gagnes de l’argent. C’est faux. C’est nul. Le foot, ça se vit sur le terrain. »

Un joueur, un homme, une société

L’histoire de Marcus Coco dépasse les statistiques. Elle raconte la patience d’un jeune des îles, confronté à la dureté du système pro. Elle met en lumière la force des racines culturelles comme levier de réussite. Et elle rappelle que derrière chaque contrat, chaque transfert, il y a un être humain en quête d’équilibre.

« Aujourd’hui, je n’ai pas de regret. Je continue sur ma route. Je veux juste avancer, et montrer aux jeunes de Guadeloupe que c’est possible. »

⚽ Derrière Marcus Coco, il y a un enjeu plus large : comment donner plus de visibilité aux talents ultramarins ? Comment éviter qu’ils ne s’égarent dans les transitions entre centre de formation et monde pro ? La question dépasse le terrain, elle touche à la place des Outre-mer dans le projet sportif français.

Et dans ce miroir, l’histoire de Coco, entre blessures, polyvalence et fierté guadeloupéenne, devient celle de toute une génération.