Le gym sent encore la gomme neuve et la sueur. Des parents serrent des thermos. Des regards cherchent une caméra, un recruteur, une chance. Au centre, un ballon roule et la question revient toujours : comment percer depuis Montréal ?
Ce soir-là, au micro du KAN FC, la réponse prend un visage : Marcus Hanson, fondateur de First Touch Football (FTF) Canada. Sa voix est calme. Son message est direct. « Exposure & Platform. On est là pour donner de la visibilité et une vraie plateforme. »
Du Buffalo à la vision
Marcus connaît la scène des vestiaires. Ancien capitaine NCAA à l’Université de Buffalo, il a rêvé, comme tous les jeunes, de carrière pro. Mais il a surtout compris une chose : le foot ouvre plusieurs portes. « Quand tu as 13 ans, tu dis que tu veux être pro. Mais le soccer peut aussi t’offrir une bourse, réduire tes frais d’études, te donner un diplôme. Il y a des voies multiples. »
Le déclic vient plus tard. De retour au Canada, en maîtrise de gestion du sport, Marcus fait un stage chez les Hamilton Tiger-Cats. La CPL se prépare. Il se voit déjà plonger dans l’aventure. Mais un jour, on lui demande… d’aller acheter de la peinture chez Walmart. « J’ai compris que si je voulais avoir un vrai impact, il fallait créer ma propre structure. »
FTF naît de ce moment de rupture.
Québec, futsal et PLSJQ
La conversation se tourne vers le Québec. Marcus sourit. « Ici, le futsal est en pleine santé. La communauté est passionnée, structurée. On y voit une énergie rare. » Les tournois attirent. Les jeunes apprennent vite, serrés dans de petits espaces, à prendre des décisions rapides.
Sur gazon, un acronyme domine : PLSJQ. La ligue provinciale U15–U17. « C’est le plus haut niveau de performance pour les jeunes. Si tu n’y joues pas, il faut compenser : vidéos, tournois, piges. Mais la PLSJQ est devenue incontournable. »
L’exposition comme monnaie
FTF, c’est d’abord une série d’événements vitrine. Les meilleurs de chaque région se croisent. Un joueur brille ? Il gagne un ticket pour l’échelon suivant. « Si tu fais bien, tu es invité à notre tournoi élite. Et là, tu affrontes les meilleurs du pays. C’est notre façon de mesurer l’exposition. »
Mais Marcus ne s’arrête pas aux tournois. « On écrit sur toi. On diffuse ton profil. On parle de toi à des coachs NCAA ou à des clubs pros. »
Derrière ces initiatives, une conviction : le Canada manque de fenêtres visibles. Les jeunes ne manquent pas de talent, mais de connexions.

Les coûts, obstacle invisible
Le sujet qui fâche revient vite : l’argent. « Le Canada reste un système pay-to-play. Au Québec, le seul endroit où tu ne payes pas, c’est l’académie du CF Montréal. Le reste, ça coûte. »
Ce modèle freine. Les familles hésitent. Certaines renoncent. Pourtant, Marcus insiste : « Des appels existent. Les clubs, les CÉGEPs, les universités peuvent se parler. Le rôle de FTF, c’est aussi d’ouvrir ces portes. »
Il compare : aux États-Unis, les bourses NCAA couvrent parfois tout. En comparaison, le Canada n’a pas cette force de frappe. « Si un joueur peut choisir Penn State ou Concordia, la différence est claire. Mais ça ne veut pas dire que rester ici est inutile. Ça dépend du projet. »
Au-delà des highlights
Dans l’ère YouTube, beaucoup misent sur les vidéos. Marcus tempère. « Oui, les highlights comptent. Mais les coachs cherchent plus : un joueur qui lit le jeu, qui occupe bien l’espace, qui répète les efforts. »
Il prend l’exemple des latéraux : « Tu dois courir, répéter, centrer juste. C’est ingrat, mais ça attire l’œil d’un recruteur. »
Le message est clair : l’athlétisme pur ne suffit pas. C’est la conscience tactique qui distingue un joueur.
Histoires de fierté
FTF, ce sont aussi des trajectoires. Marcus évoque des garçons et des filles passés par ses événements et partis vers des bourses ou des essais pros. « On a vu des filles de Laval jouer un soccer magnifique. Bien coachées, prêtes. Certaines sont maintenant qualifiées pour le Mondial de futsal. »
Ces histoires nourrissent sa conviction : le Québec peut produire, et pas seulement rêver.
2026, une vitrine mondiale
L’ombre d’un rendez-vous plane sur chaque phrase : la Coupe du monde 2026. Pour Marcus, ce sera un choc culturel. « Tu vas croiser des visages familiers dans les aéroports, sur les écrans. Des amis d’enfance contre des stars mondiales. Ça change tout. Ça décomplexe. »
Il espère même une conséquence concrète : « Que Jonathan David se fasse reconnaître dans la rue. Que nos joueurs deviennent des symboles. »
Ouverture : l’enjeu des chances
Reste la question de société : qui peut jouer ? Tant que l’accès reste payant, des talents se perdent. FTF tente de compenser par l’exposition. Le CF Montréal incarne l’exception. Mais le vrai débat dépasse un club.
Si le Québec veut voir émerger ses enfants au plus haut niveau, il lui faudra un pacte : ouvrir plus de portes, financer la base, structurer le futsal, multiplier les passerelles.
À la fin, Marcus résume d’une voix simple : « Donne-toi une chance. Sois prêt quand la porte s’ouvre. Nous, on essaie d’en créer plusieurs. »
Dans les gradins, une mère filme. Un père prend des notes. Et un gamin lace ses crampons, convaincu qu’il existe désormais un chemin.