FC Supra du Québec : Mateo Cabanettes veut supporter le talent québécois

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Mateo Cabanettes, nouveau directeur sportif du FC Supra Du Québec entre dans l’échange avec simplicité, mais aussi avec le poids d’un projet qui dépasse sa propre nomination. Il ne vient pas « annoncer une nouvelle » : il vient raconter la naissance d’un club pensé pour changer la trajectoire du soccer québécois.

Un bâtisseur pour un club né de rien

Mateo Cabanettes arrive au FC Supra du Québec avec une réputation déjà forgée à Saint-Laurent, où il a contribué à faire d’un programme semi-pro un laboratoire de haut niveau capable d’envoyer plusieurs joueurs vers le monde professionnel. Son profil colle à ce que demande une franchise d’expansion de CPL à Laval : quelqu’un qui aime « partir de zéro », poser des structures, faire le lien entre vision sportive et opérations quotidiennes.​​

Dans l’entretien, Cabanettes se décrit moins comme un gestionnaire détaché que comme un bâtisseur de processus, capable d’aller « jusqu’au bout » d’un projet, qu’il s’agisse d’une équipe de Ligue 1 Québec ou d’un club professionnel. Au Supra, son mandat est double : tenir la barre sportive, mais aussi mettre en place le « business » du club – RH, budget, marketing – en gardant le même fil conducteur, celui du développement du talent local.​​

FC Supra, club du Québec

Le FC Supra du Québec est présenté comme bien plus qu’un club de Laval : la franchise veut se définir comme l’équipe de tout le Québec, avec un effectif composé de joueurs formés dans la province. Installé au Stade Boréale, construit au départ pour les Roses de Montréal, le club partage ses infrastructures avec la formation féminine, symbole d’un projet qui s’inscrit dès le départ dans un écosystème déjà existant.​​

Pour Cabanettes et le président Rocco Placentino, la création du Supra vient combler un vide évident : un seul club professionnel masculin pour tout le Québec ne suffisait plus à absorber la masse de talents formés chaque année. Dans leur discours, la CPL à Laval devient le « deuxième étage de la fusée » pour ceux qui n’ont pas la trajectoire linéaire centre de formation–MLS, mais qui ont besoin d’un vrai temps de jeu pro pour franchir un cap.​​

Une identité de jeu assumée

Sur le terrain, l’identité du Supra est confiée à l’entraîneur-chef Nick Razzaghi, mais Cabanettes assume quelques lignes rouges : il veut une équipe technique, à l’aise avec le ballon, portée par des joueurs qui aiment réellement jouer et assumer des responsabilités balle au pied. À ses yeux, la multiethnicité du Québec est un atout footballistique, une addition de « saveurs » qui doit se traduire en caractère et en créativité dans le jeu.​​

Le directeur sportif insiste cependant sur l’idée que le style ne se décrète pas seulement dans un communiqué : il se bâtit via le profil des joueurs recrutés, la façon d’encadrer les séances et la capacité à se montrer ambitieux sans promettre de révolutionner le foot canadien du jour au lendemain. Dans le jargon interne, on parle de « football champagne » : un jeu attractif qui donne envie de faire le déplacement au stade, sans renier les exigences de la CPL.​

Un projet de joueurs… mais d’abord d’humains

L’un des fils narratifs les plus forts de l’entretien, c’est la façon dont Cabanettes place l’humain avant le talent pur dans le recrutement. Le Supra ne cherche pas seulement de « bons joueurs » : il veut des profils connectés à la mission du club, conscients qu’ils représentent leurs clubs formateurs, leurs quartiers et les générations qui arrivent derrière.​

Concrètement, cela passe par un discours de responsabilité et de fidélité : les joueurs sont sensibilisés à un engagement communautaire structuré, avec visites d’écoles défavorisées et de clubs amateurs intégrées au projet, loin de simples opérations ponctuelles de communication. Cabanettes parle même de « contrat de fidélité » symbolique, signe que la relation Supra–joueurs doit dépasser la simple logique « je viens, je performe, je pars ».​​

Try-outs, CV et cartographie du talent

En coulisses, l’ossature de l’équipe inaugurale se construit à partir de plusieurs flux : essais ouverts, identification ciblée par les clubs, marché semi-pro et joueurs déjà sous contrat intéressés par un retour au Québec. Pour le staff technique, le club a reçu près d’une centaine de candidatures, dont une dizaine jugées suffisamment solides pour être considérées sérieusement, avant de réduire le champ à quelques finalistes.​​

Pour les joueurs, la stratégie se décline en deux profils : d’un côté, des candidats qui s’inscrivent aux essais, souvent autour de la vingtaine, avides d’une première exposition; de l’autre, des « cinq tops » U17 ou PLSQ identifiés par chaque club, invités pour être observés et discutés directement avec leurs entraîneurs. Cette méthode permet au Supra de cartographier la prochaine génération tout en ouvrant des canaux de communication continus avec les structures locales

Tableau – Supra dans l’écosystème québécois

DimensionSituation actuelle du SupraContexte québécois plus large
Clubs pros masculins2 clubs : CF Montréal (MLS) et FC Supra (CPL) à partir de 2026Un seul club pro masculin avant 2026, ce qui limitait les débouchés locaux.
Stade et infrastructuresStade Boréale à Laval, partagé avec les Roses; HQ et centre de performance à Bois-de-Boulogne.​Peu d’installations dédiées au soccer pro auparavant, dépendance à Montréal.
Mission sportiveMettre en vitrine le talent québécois, tous les postes, staff compris.​Forte production de joueurs, mais manque de « deuxième étage » avant la CPL.
Lien avec les clubs amateursTry-outs décentralisés, board envisagé avec les directeurs sportifs amateurs.​Réseau riche de clubs, souvent sous-financés, peu intégrés aux clubs pros.
Relation supportersVolonté de passer de « spectateurs » à « supporters » avec une ambiance forte au stade.​Culture foot diffuse, avec noyaux ultras existants mais fragiles et dispersés.​

Supporters : de spectateurs à acteurs

Cabanettes ne se fait pas d’illusions : à Montréal et Laval, le sport professionnel se bat dans un marché saturé, où le samedi soir est déjà considéré comme « mort » pour un nouveau produit. D’où l’idée, discutée en interne, d’occuper un créneau de vendredi soir, vu comme un rendez-vous de fin de semaine qui laisse le champ libre aux matchs amateurs et aux autres obligations le samedi et le dimanche.​​

Sur le fond, le défi est presque culturel : transformer des publics habitués à « consommer » l’événement en spectateurs passifs en une base qui chante, pousse et s’approprie le club. Le Supra sait que des groupes ultras ne se décrètent pas à coups de budget marketing, mais peuvent émerger si l’offre sportive est crédible, si le storytelling parle au monde amateur et si le club accepte une part d’expression organique dans ses tribunes.​​

Une économie à réinventer avec les clubs

L’un des passages les plus tranchants de l’échange touche à la question de l’argent et de la redistribution vers les clubs formateurs. Fort de son expérience à Saint-Laurent, où quatre joueurs ont signé pro en 2024 sans générer de compensation significative, Cabanettes affiche clairement sa volonté de faire autrement avec le Supra.​

Dans sa vision, un joueur qui passe d’un club amateur québécois au Supra, puis vers un niveau supérieur – MLS ou Europe – devrait déclencher un retour financier concret vers le club qui l’a formé. Au-delà des mécanismes FIFA existants, il imagine un modèle communautaire où le Supra redistribue une part de la valeur créée, pas seulement des ballons et du matériel, afin de nourrir la prochaine génération.​​

Calendrier, premières signatures et crédibilité

À court terme, la crédibilité du Supra se jouera autant sur la pelouse que dans les tribunes. Cabanettes le répète : son angoisse n’est pas de savoir si l’équipe gagnera dès la première saison, mais de sentir que la communauté a « adhéré » et remplit le stade, même si le club a besoin de cycles de un, deux ou trois ans pour devenir compétitif.​​

Le plan initial évoque des premières annonces de joueurs avant les Fêtes, avec des leaders présentés en priorité pour donner un visage à la nouvelle franchise. Plusieurs ententes seraient déjà conclues, dans l’attente des formalités contractuelles, signe que le chantier avance en parallèle des essais et de la construction du staff.​​

Un pari de société plus que de tableau

À l’horizon de deux ans, le « Supra idéal » rêvé par Cabanettes n’est pas défini par un classement précis, mais par la place du club dans la société soccer québécoise. Dans ce scénario, le Supra aurait une identité claire, un centre de performance vivant, des passerelles structurées avec les écoles et les clubs, et serait reconnu comme un véritable accélérateur de carrières locales, sur le terrain comme dans les métiers autour du jeu.​​

L’enjeu dépasse largement le simple fait d’ajouter un logo sur la carte de la CPL. Si le pari réussit, le Supra pourrait devenir la preuve que le Québec peut soutenir plusieurs projets professionnels cohérents, arrimer ses forces vives et offrir enfin aux jeunes qui « puent le foot » la vitrine qu’ils réclament depuis des années.

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