Un soir de juin, le studio virtuel du KAN FC s’ouvre à un invité que les supporters du CF Montréal connaissent bien. Mathieu Choinière apparaît à l’écran avec ce mélange d’humilité et de calme qui le caractérise. Derrière son sourire discret, on devine pourtant l’urgence d’une saison pas comme les autres. « C’est mon année charnière », dit-il presque à voix basse. Une phrase simple, mais lourde de sens pour un joueur formé à l’académie, devenu titulaire indiscutable, et désormais observé par l’Europe.
Le retour après la blessure
Trois semaines seulement après une blessure, Choinière retrouvait le onze de départ. « Je savais que je n’avais pas 90 minutes dans les jambes, mais un bon 70. Alors j’ai tout donné », raconte-t-il. Le coach avait anticipé : de l’intensité, puis le relais. « Le physique, ça ne se cache pas. Mais j’étais prêt. »
Ce retour rapide n’est pas anodin. Il dit beaucoup de la confiance du staff, mais aussi du statut du joueur, désormais perçu comme une pièce centrale.
Un couteau suisse du milieu
Depuis ses débuts, Choinière a appris à jouer partout : piston droit, piston gauche, milieu relayeur. « À l’académie, j’étais formé comme milieu. Mais je me suis bien adapté sur les côtés. »
Cette polyvalence, Wilfried Nancy l’avait soulignée avant de quitter le club, et Laurent Courtois la prolonge aujourd’hui. « Tout dépend des matchs, on peut être deux ou trois au milieu. Ça change beaucoup de choses, mais je m’adapte. »
L’adaptation est devenue sa signature. Et si le joueur préfère « le milieu droit », il sait que sa capacité à occuper différents postes lui ouvre des portes que d’autres n’ont pas.

L’Europe en ligne de mire
Quand on lui parle de son avenir, le Québécois n’élude pas. « Un jour, j’aimerais jouer en Europe. C’est un objectif. Les cinq grands championnats, ça reste dans un coin de ma tête. »
Pour l’instant, il se concentre sur Montréal, mais le message est clair : l’histoire locale n’est qu’un chapitre.
À 24 ans, Choinière est à l’âge où les clubs européens scrutent avec attention. Trop tôt pour s’enflammer, trop tard pour attendre. « Il faut que je joue, que j’empile les minutes. C’est le seul chemin. »
Le poids des racines
Dans l’entretien, une question du public amène une anecdote personnelle : ses origines philippines du côté maternel. « Je ne connais pas bien cette culture, je suis plus Québécois qu’autre chose. » Cette sincérité, cette manière de ne pas enjoliver, colle à l’image qu’il renvoie : un joueur sans artifice.
Dans le vestiaire, il reste le même. Pas de hiérarchie artificielle. « Je traîne avec tout le monde. C’est sûr, les Québécois sont un peu plus ensemble, c’est normal. Mais je n’ai jamais forcé les choses. »
Un but symbolique face à Cincinnati
Son but contre Cincinnati est décortiqué en direct. Les images défilent, le ralenti montre le déplacement parfait, la finition clinique. « J’ai carte blanche pour me projeter, mais je choisis mes moments », explique-t-il.
Le ballon vient du côté gauche, centré par Lappalainen. Choinière se glisse au point de penalty, ajuste, et marque. Un geste simple, presque banal, mais qui dit tout de son intelligence de jeu.
« Je connaissais la force de Kei Kamara dans les airs, je savais qu’il allait dévier. J’ai pris l’espace. » Instinct, travail, complicité : tout est résumé en une action.
Frères de sang, rivaux d’un soir
L’émotion monte quand il évoque son duel avec son frère David, joueur du Forge FC. « Jamais je n’aurais pensé jouer contre lui. C’était spécial. » Leur mère, entre deux maillots, a cristallisé cette rivalité fraternelle. « Une photo incroyable. »
Le récit dit plus que mille analyses : le soccer québécois est désormais assez mûr pour produire ces histoires de famille, de rivalité, de fierté locale.
Un joueur humble dans un monde saturé
Ce qui frappe, au-delà des réponses, c’est l’attitude. Toujours poli, toujours mesuré, Choinière ne joue pas un rôle. « Il dit toujours bonjour aux employés, il ne fait pas semblant », glisse un chroniqueur. Dans une époque où l’image des footballeurs se brouille, son authenticité rafraîchit.
L’identité montréalaise en question
En fin d’entretien, il est interrogé sur le nouveau logo du CF Montréal. « Ça me plaît. Les couleurs, la fleur de lys, ça représente bien. » Une remarque sobre, mais symbolique. Car derrière les débats esthétiques, c’est la question de l’ancrage local qui se joue. Et pour un joueur né ici, chaque détail compte.

Ouverture : le miroir d’une génération
Mathieu Choinière incarne une transition. Le CF Montréal n’est plus seulement une escale pour joueurs étrangers, mais une rampe de lancement pour talents locaux. À travers lui, on mesure le chemin parcouru depuis les premiers pas de l’académie.
Mais on mesure aussi le défi qui attend le soccer québécois : retenir ses meilleurs éléments, ou accepter de les voir partir pour qu’ils grandissent ailleurs. Choinière, avec ses mots simples, pose la question sans le dire : peut-on rêver grand tout en restant au pays ?
Son « année charnière » ne concerne pas seulement sa carrière. Elle reflète aussi l’état du foot à Montréal. Entre racines et ambitions, entre identité locale et horizon européen, Mathieu Choinière est peut-être le symbole d’un soccer québécois en quête de maturité.